Le mois de la Semaine Mondiale de l'Allaitement Maternel (SMAM) et de la Semaine Internationale du Portage (SIP) se termine, mais pas les actions pour promouvoir les deux... Alors, pourquoi voit-on souvent associé allaitement et porte-bébé un peu partout en France comme ailleurs, que ce soit dans les associations de parents, chez les professionnels de santé ou de la petite enfance, comme dans les médias et les réseaux sociaux, etc. ? Souvent l'un est plus ou moins inévitablement lié à l'autre. Pourquoi cela ? Alors qu'on peut tout à fait allaiter sans porter bébé ou porter bébé sans allaiter !

Le portage enfant ailleurs dans le Monde et dans l'Histoire...

Si on jette un rapide coup d'oeil dans les autres pays du globe, on ne s'étonnera justement pas de voir des bébés régulièrement portés et accrochés au sein de leur mère, souvent sur le côté pour garder les mains libres ou dans le dos pour mieux travailler. L'outil porte-bébé devient alors un élément essentiel du quotidien des femmes, que ce soit des mères mais aussi des grands-mères, sœurs, cousine, etc. Comme l'allaitement qui lui même reste un élément essentiel de l'alimentation de base de l'enfant jusqu'à parfois plus de 3-4 ans.

Mais si la plupart du temps c'est la mère qui allaite et porte le plus souvent l'enfant dans son porte-bébé ou ses bras, parfois d'autres femmes pourront être amener à le faire à sa place. En effet, d'autres membres de l'entourage maternel ou paternel pourront être amener à prendre occasionnellement le relais pour porter l'enfant dans un porte-bébé le plus souvent confectionné avec un morceau de cuir, fibres ou tissu traditionnel de la région ou du pays, comme cela fut toujours fait depuis la nuit des temps. Certains anthropologues pensent même que la " liane porte-bébé" fut le premier outil utilisé par les premiers êtres humains, principalement nomades, depuis la Préhistoire. Bien pratique, en effet !

De même qu'en cas d'absence prolongée, de maladie ou de décès à la mère biologique d'autres mères allaitantes ont pu se "substituer" pour allaiter son ou ses enfants. Cela peut paraître assez choquant pour des occidentaux plus habitués aux dons de laits maternels gratuits donner avec un biberon via les lactariums de France ; véritables banques de lait maternel. D'ailleurs, la législation française interdit catégoriquement l'allaitement directe entre femmes comme toutes ventes de ce précieux liquide "sacré". Principalement par peurs, justifiée d'ailleurs, de contaminations entre des femmes étrangères, ainsi que de marchandisation, comme on a pu le voir à travers les époques précédentes, où comme cela se pratique encore dans de nombreux pays. Par contre, que même entre proche parente ou amie ont puisse interdire, voir condamner pénalement, ce type de relation fraternelle totalement gratuite et désintéressée, semble totalement ridicule et injustifié ! Car cela peut réellement faciliter l'allaitement long, le travail des femmes et créer surtout des "frères et sœurs de lait", comme on peut le voir encore au Moyen-Orient. A chacun(e) de savoir mesurer les risques/bénéfices...

L'allaitement maternel oui, mais à quel prix ?

En réalité, le lait maternel a un prix différent dans chaque pays. Déjà, il a un coût d'expression, de transport et de stockage, donc un prix de revient que certains, comme le Ghana ou la Norvège, intègrent dans leur Produit National Brut (PNB), alors que d'autres ne l'intègrent pas du tout, comme la France. Ce qui démontre simplement ici la valeur que peut avoir LES et non LE lait maternel aux yeux de ses habitants...

Car, chose surprenante, de la même manière qu'il existe bien plus d'allaitement et variétés de laits maternels différents à travers le monde que de portes-bébés, aux regards des nombreux biens de consommation et catalogues de ventes qui fleurissent un peu partout, on a plus souvent l'impression du contraire ! Et pourtant la plupart des gens ignorent également toujours que les laits maternels des femmes sont tous différents par définition, alors que le lait infantile en poudre est plus ou moins standardisé, par nécessité. Même si la publicité nous fait régulièrement croire le contraire.

Mais comme dans nos sociétés occidentales ce sont plutôt les biens matériels à vendre qui ont une vraie valeur, ceux qui sont gratuits, offert par la Dame Nature ou ici par le bénévolat et don des femmes n'en ont, par contre, aucun ! En fait, tant que des industriels ne sont pas approprié pas l'élément naturel en le conditionnant auparavant dans des bouteilles, comme pour l'eau minéral, ou dans des emballages plastiques comme pour les aliments, il n'existe pas. Alors que s'ils le font pour le vendre, comme pour les autres gaz, liquides ou solides, ceux-ci prennent brusquement de la valeur au yeux de la société toute entière.

Quand au porte-bébé, plus ou moins composé désormais de matières naturelles ou synthétiques, étant donné qu'il s'agit bien par définition d'un bien de consommation courant dans chaque société, sa valeur est d'emblée définie par rapport à son coût et prix de revient : la culture et extraction des matières premières, les transports, la fabrication, les transports, l'emballage, la vente, les transports, la revente, re-transports, etc. Voilà pourquoi, on peut y trouver en Occident tous les modèles à tous les prix ; ce qui n'est pas forcément le cas dans les pays traditionnels, puisque le plus souvent les gens se serviront des matériaux locaux pour sa confection. Voilà également pourquoi ils en changent moins souvent aussi ; surtout lorsqu'il est fabriqué par la famille elle-même, comme cela se fait encore heureusement de façon totalement artisanale et non industrielle. Le travail des hommes a également une vraie valeur, mais le travail des mères n'en a aucune ici, c'est bien connu...

Donc, que ce soit pour l'allaitement ou pour le portage, ce qui définira la valeur de l'un comme de l'autre relèvera davantage d'une question de culture plutôt que de norme réelle. Car, ce que nous appellerons "norme" ici ne sera pas forcément la même norme ailleurs ! Et, de toute évidence, au vue des nombreux outils et biens de consommation attachés à la puériculture française, on peut dire que les substituts des laits maternels (lait industriel, biberon, tétine et totoche, etc.) y sont effectivement considérés davantage comme étant la norme alimentaire d'un enfant français de plus ou moins 2 ans, à l'inverse de ce que préconise l'OMS-UNICEF pour tous les pays du monde.

Quels bénéfices y a-t-il pour les parents de porter et d'allaiter leur enfant ?

Si on reconnait comme normal et légitime le fait que partout à travers notre planète les femmes allaitent et portent leurs enfants, et même les hommes parfois, plus ou moins régulièrement au quotidien, afin de faciliter leurs tâches ménagères, travailler aux champs ou autres, faciliter l'accès du sein à l'enfant, c'est que ceci doit avoir un lien essentiel pour eux, voir un intérêt vital. Pourquoi n'en est-il pas de même ici, alors ?

Encore une fois, notre culture occidentale ne nous prépare absolument ni à allaiter, ni à porter nos enfants ! En réalité, il ne s'agit nullement, comme beaucoup le pense encore, d'un choix strictement personnel de la part de chaque femme pris individuellement, mais bien d'un choix collectif de l'ensemble de notre société. Choix plus ou moins inconscient, mais qui n'est ni favorable à l'allaitement direct au sein, ni favorable au portage des enfants sur le long terme. En effet, passer les premières semaines ou mois du post-partum, la plupart des mères entendront fuser d'un peu partout : "Mais, cesse(z) donc de l'allaiter/porter ainsi tout le temps, tu(vous) vas(allez) le rendre capricieux, fusionnel, dépendant, insomniaque, fragile, etc." Le vieux mythe freudien de la mère castratrice revient alors à grands renforts de jugements faciles et bien hâtifs ! Car, à mieux y regarder de plus près, aucun des enfants allaités et portés africains, amérindiens, asiatiques ou autres ne sont plus "capricieux, fusionnels, dépendants, insomniaques, fragiles" que les enfants allaités et portés européens. Parfois ils le seront même beaucoup moins justement, vu qu'eux même ne vivent pas comme chez nous dans une société consumériste qui croulent littéralement sous ses déchets et biens de consommation, et de puériculture en passant...

Enfin, nous pourrions conclure en rappelant déjà aux mères qu'elles n'ont ni à culpabiliser, ni à s'inquiéter sur ce qui est juste ou non de faire vis à vis de l'éducation de leur(s) enfant(s). Donc, si elle ont envie d'allaiter et de porter souvent bébé qu'elles le fassent, si elles n'en ont pas envie, ou même le courage de le faire au vue de la situation déplorable que nous vivons avec une transmission intergénérationnelle quasi inexistante et des connaissances "minimalistes" en France vis à vis de l'allaitement et du portage des enfants, qu'elles ne le fassent pas !

Tout en sachant cependant, si elle le souhaite, que comme pour toutes les mères à travers le monde le simple fait de porter et d'allaiter bébé peut lui être d'une grande aide pratique au quotidien. Autant pour faciliter l'endormissement de son petit partout où elle se trouve, que pour le nourrir partout aussi, en toutes situations et par tous les temps, et même discrètement si elle préfère avec un bon porte-bébé souples et bien couvrant. De même qu'il lui permettra de vaquer à ses tâches ménagères ou de travailler dehors ou dedans, de s'occuper de plusieurs enfants en même temps, de passer le relais à son entourage, comme de se déplacer n'importe où, quand, comment, etc.

En résumé, allaiter sans porter bébé est toujours possible et porter bébé sans l'allaiter aussi... Mais, comme c'est pratique d'associer les deux !