Le lien d'attachement et le portage des enfants
Qu'est-ce que la théorie de l'attachement ?
La théorie de l'attachement se construit à partir de l'idée que l'enfant, puis l'adulte plus tard, a un besoin physiologique inné de se relier constamment à une figure d'attachement, afin d'assurer ses besoins émotionnels et physiques, notamment de sécurité appelé d'ailleurs "attachement secure". Cette figure peut être féminine ou masculine, maternelle ou paternelle, mais elle s'encrera ensuite durant toute notre vie.
De plus en plus étudiée en pédopsychiatrie, la théorie d'attachement s'articule principalement autour des besoins primitifs et instinctifs de l'enfant. Initialement conçue dans les années 60 et développer plutôt dans les années 1980, par un psychiatre et psychanalyste britannique John Bowlby : "Attachement et perte" (Tome I, II et III, 1984) et arrive progressivement en France notamment aux travers des écrits d'un autre psychiatre et neurologue, Boris Cyrulnik : "Sous le signe du lien" (2010). Dans cette excellente conférence, en 2012, la pédopsychiatre Nicole Guédeney y explose clairement cette théorie (1h) ci dessous.
Lier le réflexe d'attachement au réflexe d'agrippement
Cependant, il est à nouveau regrettable que systématiquement ceux-ci oublient de rappeler l'essence même du mot "attachement" : c'est-à-dire le premier besoin physiologique du bébé d'être constamment porter par un adulte. Car, ce fameux "lien d'attachement secure" est inextricablement lié au réflexe d'agrippement (en anglais grasping reflex) et donc aussi au portage des enfants. En effet, dès les premières heures, jours, semaines de sa vie, le bébé doit physiquement s'agripper, s’accrocher, s'encrer au corps d'un autre être humain pour se re-lier à lui et assurer sa survie et sa sécurité. De part, notre évolution du monde mouvant et nomade des primates, cela reste un geste et besoin fondamental du petit humain et donc un acte fondateur du couple parental.
Certes, tous admettent ici l'idée que l'enfant s'accrochent à nous, afin de maintenir la proximité ou d'établir le réconfort par les regards, sourires, rires, pleurs ou cris puis contacts et gestes d'agrippement. Reconnaissant que naturellement l'enfant agit ainsi afin d'assurer sa sécurité, sa survie et donc la sécurité et la survie de notre espèce, dans un monde étrange, violent et inconnu pour lui. Nous assurant enfin que nos concepts relationnels sont bien instinctifs et génétiquement programmés pour agir ainsi depuis la nuit des temps, afin de s'adapter à notre environnement, lui même changeant. Ce qui, relevons-le, annonce un problème complexe aux jeunes parents que de leur dire : "Tous les bébés humains ont gardé ce besoin inné de s'agripper à vous afin d'assurer leur survie et sécurité, alors que vous, désormais, vous ne ressentez plus la même nécessité pour ce besoin, comme aux temps de la préhistoire !" Compliqué à résoudre comme dilemme moderne !
L'attachement entre 0 et 9 mois
D'autant qu'ils reconnaissent également que "chaque figure d'attachement primaire se construit dans les 9 premiers moins de la vie". Donc, durant ces mois "critiques", il est essentiel d'assurer une continuité avec la première personne présente depuis sa naissance, celle qui s'en occupera le plus, le portera le plus et donc auquel il sera le plus lié. Certes, il s'agit pour bébé d'instaurer une relation de confiance, de confort et de sécurité avec la première figure d'attachement connue (souvent la mère biologique, parent adoptif ou autres), mais aussi pour elle d'instaurer la durabilité des relations secondaires (père ou mère), puis tertiaires (mami, papi, nounous), etc. Selon Boris Cyrulnik, c'est même la "Mère" qui nommera le "Père" comme tel avec les premiers babillages, et surtout entre 6 et 9 mois. Après 9 mois, l'enfant rejetant les figures étrangères (9 mois de gestation = 9 mois de post-partum), tout en ayant avec sa première figure d'attachement secure un rapport d'attirance-répulsion en fonction des périodes et situations (à l'image d'un aimant). D'où la raison aussi pour laquelle, beaucoup de pères attendent cet âge pour créer une relation affective plus forte avec leur enfant. Alors que pour d'autres, cela sera encore plus long et si la relation avec la première figure d'attachement est mauvaise, ce lien peut aussi ne jamais se faire...
Pourtant, il aurait fallu également souligner que si toutes ces figures d'attachement ont pu, durant ce court laps de temps, porter régulièrement et surtout laisser longtemps l'enfant s'agripper à eux, si possible dans un bon porte bébé physiologique et souple, alors de par le mélange de leurs empreintes physiques (odeurs, chaleurs, voix, câlins, regards, chants, etc.), il est évident que ce lien ne peut que devenir plus fort et durable par la suite.
Encore une fois, la psychiatrie annonce ici des problème, sans proposer de solutions ! Notons que la psychanalyse n'en est pas encore rendu à ce stade là, non plus... Mais, au moins, à l'inverse de la théorie œdipienne et "fusion maternelle", cette théorie-ci a tendance à rassurer les professionnels sur le fait qu'au delà de 1 an, l'enfant découvrant un monde remplis de pleins d'autres figures d'attachement, aura donc nécessairement de moins en moins besoin de la première (souvent sa mère). Même si, adulte, nous garderons toujours, autour de nous, des liens d'attachement forts envers quelques personnes de confiance, afin de conserver instinctivement des relations sociales, amicales ou amoureuses stables vers qui se tourner en cas de besoins (sécurité affective). En conséquence, la confiance dans la première figure d'attachement "secure" instaure le début de l'autonomie de l'enfant et disons-le de confiance puis d'estime de soi en grandissant.
Le lien d'attachement en écho au maternage proximal
Rajoutons donc juste à cette théorie très intéressante, qui va pour une fois dans le sens du maternage proximal dont parle les associations de parents depuis fort longtemps, que ce lien d'attachement sera d'autant plus étroit et solide que l'enfant aura pu s'agripper très tôt à un adulte "secure", au moins entre 0 à 9 mois. Voir au delà encore, si on veut continuer d'assurer sa sécurité lors de l'acquisition de la marche vers 18-24 mois. Car, comme le fait très bien remarquer ici cette conférencière de talent, il y a certains enfants qui s'échappent plus rapidement et précocement que d'autres : "L'enfant de 2 ans étant un petit aventurier téméraire, mais prudent". Prudent, s'il a su créer avec ses parents des liens d'attachement secure et de confiance mutuelle, mais totalement imprudent s'il tente désormais désespérément de leur échapper ! Voilà pourquoi, on constate souvent que les bébés allaités et portés longtemps, gardent naturellement un périmètre de sécurité proche de leurs mères, faisant régulièrement des allers et retour entre elle, ses seins ou ses bras...
En tout cas, la théorie de l'attachement nous explique désormais pourquoi ce comportement est totalement normal et instinctif chez le bébé humain. Même si, malheureusement encore, cela reste trop souvent critiqué et juger sévèrement dans les sociétés occidentales où la théorie œdipienne du tiers séparateur prédomine toujours largement. Justifiant ainsi les actes violents d'une société consumériste qui sépare trop précocement les mères de leurs petits.
Sommes-nous ici à l'aube d'une nouvelle révolution des sciences comportementales ? L'avenir nous le dira...